Je racontais à mes "Petits" des choses très bizarres au son de l'orgue. Les Chorals du "Petit livre d'orgue" (pas si petit que ça) de J.S. Bach sont brefs et les couleurs qu'ils prennent, les uns après les autres, très variées (j'en ai moi-même travaillé quelques uns en tant qu'organiste). Alors, j'inventais des récits, me laissant porter de choral en choral ; des histoires burlesques ou rêveuses, ou plutôt, les multiples épisodes d'une même histoire... C'est que l'orgue, c'est sensuel "en diable", si je puis dire, c'est parfois céleste et parfois très cru, parfois très doux et chuchotant, parfois violent ou irritant. Une grosse anche, et voilà "Gros Cucul" qui apparaissait, monstre noir et hideux, porteur d'orages et de cataclysmes. Au contraire, une voix céleste ou humaine avec un beau tremblant, et c'était Pégase l'ailé qui portait les deux enfants...
Mais j'entendais que c'était moi qui les portais, mes deux Petits, quand je contais ces histoires païennes, au son de l'orgue. Je les portais dans cet amnios de la musique et de ma voix, mais aussi je les portais vers l'âge adulte... Comme une traversée sur l'océan de la musique et de la vie. J'étais le guide et rassurais quand l'orgue faisait peur et devenait un ogre, ou bien nous évitions des chausses-trappes que j'avais moi-même creusées... Ou nous glissions ensemble et apaisés sur les divines mares douces ou les rivières paresseuses que la liquidité de la musique faisait naître sous les planches courbées de la coque. Nous écoutions tous trois leurs clapotis d’éternité.
Quoi de plus touchant que de Porter ses Petits ...C'est Beau Merci
Grand merci de votre passage, Betty, bien amicalement à vous ! Oui, porter comme un homme peut porter, en "portant vers", bien entendu... Dans ses bras, et le regard tourné vers le monde.