SIDERATION, DESIR, DESASTRE
Le désir, au sens étymologique de de-sidere (et donc de "dés-astre", l'absence de l'astre), c'est vouloir se libérer de cette pesanteur que l'astre nous impose forcément, de cette aimantation, de cet amour avec lequel la terre tient tout ce qui vit... Désirer, c’est forcément s’échapper de tout ce qui entoure de trop près, vouloir aller, toujours plus loin, plus haut. Le désir s'oppose donc à la "sidération". Être "sidéré", c'est être figé par les astres, avoir subi leur influence funeste mais, en extrapolant (si je puis dire), cela signifie rester fixé, rivé à l'astre.
Aussi, partir en quête de l'inaccessible étoile, c'est forcément vouloir quitter l'orbe et l'orbite de l'astre qui nous a fait naître. Le désir c'est quand le sol vous manque, ou plutôt, c'est de vouloir danser et s'élever jusqu'aux étoiles depuis l'astre qui nous "contient" et qui nous "tient", et donc, in fine, manquer à ce sol qui manque... L'hybris de l'homme moderne est de cet ordre. Sa démesure tient à cela qu'il voudrait s'affranchir non seulement de ce qui l'a vu naître mais de ce qui l'a fait naître. Être ailleurs.
Il y a une mécanique du désir qui fait qu'on aspire chaque fois à "autre chose", jusqu'à vouloir l'impossible. Il me semble que nos limites humaines et biologiques pourront être à leur tour transgressées, non pas par des êtres de chair et d'os, d'eau et de sang, mais par des machines d'électricité et de magnétisme. Elles seules sauront réaliser l’avenir infini de nos désirs.
Pour ma part, s’il me faut choisir, j’admets et j’accepte ma finitude, mes limites et ma mort. Je suis solidaire de tout ce qui vit et qui doit mourir pour laisser la place à de nouveaux vivants. Mais ma part désirante voudrait être à l’infini, toujours plus, croître sans entrave. Je la connais et je l’entends, je la vois à l’œuvre dans ce que Heidegger appelait “le vouloir vouloir” et qui aujourd’hui ouvre sur une sur-humanité peut-être désirable, à coup sûr dangereuse.
QUELQUE ETRANGE AFFAIRE.
Cet aujourd'hui n'est qu'une fois,
aimes-en le retour
sans retour,
éphémère perpétuel,
éternel
battement des paupière
et des jours.
Le monde t'a toujours dit "Oui"
à travers le regard de ta mère
quand il se posait sur toi,
comme un oiseau.
Si je m'envole, le sol m'appelle,
il me retient ;
je n'y peux rien.
Je ne le voudrais pas, je l'aime,
je l'étreins, il m'étreint...
Je suis "géocentré"...
De nulle autre contrée
que la terre.
Je ne saurais vivre
qu'en ton sein,
sur ton sein, ma mère
et parmi les vivants mes frères
même si quelque étrange affaire
m'entraîne ailleurs,
à m'absenter...
Je suis en même temps
cet animal
qui flaire et fouille et fouit
à l'humus noir qui le nourrit,
et ce rêveur qui croit et veut à l'infini...