• Roman d'amour, première partie. Prologue

     

    ROMAN D'AMOUR 

     

     

     

     

     

     

    Ne parle pas de mer mais d’autre chose et que la mer s’éveille d’elle-même, que ce soit la mer même sur ta langue qui veuille et vienne. Il te faudrait parler non pas de mer mais parler mer, que ce soit elle qui chuchote. Qu’il y ait en tes mots qui flottent quelque présence même de la mer

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

     

                                                  

     

     

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    GEORGIA, RECYCLEUSE DE TEXTES

     

     

     

     

     

     

     

    « On croit toucher des orgues ordinaires en touchant l’homme. Ce sont des orgues à la vérité, mais bizarres, changeantes, variables, dont les tuyaux ne se suivent pas par degrés conjoints. Ceux qui ne savent toucher que les ordinaires ne feront pas d’accords sur celles-là. Il faut savoir où sont les touches. »

     

                          Blaise  Pascal :  Pensées

      

     

     

    PROLOGUE

     

     

                «Raisonnons un moment, cher confrère. Vous n’avez rien encore écrit mais désirez écrire, et cela suffit. Vous souhaiteriez un roman d’amour m’avez-vous dit... Avez-vous  mesuré ces deux mots l’un à l’autre: roman et amour ? Observez bien, il s’agit là, mon cher monsieur, d’une équation autour d’un : les deux «r» de début et de fin s’annulent, ainsi que les deux «o», les «m» et les «a». Autant de lettres symétriques autour d’un axe que l’on voit, auquel je viens. ROMA, AMOR, envers, endroit. Mettons à part ces lettres-là. Restent il est vrai « n » et « u » dont la remarquable identité intrigue, l’une étant l’autre renversée. Au palindrome, ROMAMOR, répond l’emboîtement de « u » et « n », de « n » et «u»: un nu. Qu’on regarde à l’envers, à l’endroit, la symétrie de la formule est presque parfaite. Mais trop de symétrie finit par nuire au sens. Il la faut incomplète dans notre monde de vivants. Comme pour les visages. Reste ce «d», le «nez» au beau milieu de la figure, avec son apostrophe, son arête. L’axe de symétrie. Lui seul reste le seul. C’est lui qui nous fait passer du même au presque même, d’une moitié du monde à l’autre. C’est le gond de la métaphore. Les autres lettre c’est du vent, de l’anecdote, de l’amour, du roman, autrement dit du contingent. Tout ce qui se jacasse. Ce « d » avec son apostrophe, il faut bâtir sur cet unique-là, sur la tranche de ce miroir. C’est sur cela qu’on va écrire, si vous le permettez.

                Bref, si vous me suivez, et pour parler de l’anecdote, car un roman c’est après tout, aussi, de l’anecdote, AMOROMA nous dit qu’il vaudrait mieux qu’on aime et  meure à Rome, ce qui n’est ni difficile ni nouveau. Quant aux « n » et « u », ils sont deux personnages encastrés et qui se «têteront» d’un bout à l’autre, sans jamais s’épuiser. Uns et nus ensemble et à la fois, seuls à deux, et tête à sexe à célébrer leur nudité.

                Additionnons tête et sexe comme nous avons soustrait d’amour roman, cela nous donne textes, vous suivez ?… Et le S singulier de sexe fait le pluriel de textes. Un S queue, un S nez. Un nu singulier double et qui s’enroulerait à soi et se mordrait la queue… Je vous vois hésiter. Ce roman, voulez-vous le faire ? L’essayer ? Est-ce avec moi le mieux ? Je m’appelle Mauron, mon nom contient hélas ces lettres arrondies dont je vous ai parlé, ces lettres qui s’annulent. Amour, Roman, ça vaut Mauron je vous l’ai dit, autrement dit, zéro. Je n’y peux rien je suis maudit, je ne peux qu’arrondir les mots.»

                Le client réfléchit un moment, hoche la tête :

                « Si je comprends bien vos calculs, tout revient à zéro, mais en retenant « D » ?

                Mauron reprend:

                « C’est tout à fait cela. C’est le système D, ou Dieu... En y réfléchissant ça vous fait un peu cher, mais votre roman est peut-être déjà à moitié écrit, ne croyez-vous pas ? »

                Le client, à nouveau, approuve :

                « Il ne reste plus, maintenant, qu’à l’écrire vraiment, n’est-ce-pas ? »

                « Si vous le voulez bien, c’est ce que nous commencerons la prochaine fois. »

     


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