• Pour penser (panser) une douleur

    Nous sommes un grand corps, je ne m'en suis aperçu qu'après le 7 janvier, et voici que cette conscience me revient... Nous sommes un grand corps (et ce "nous" pose problème, de fait, s'agit-il de la France ou bien d'une entité plus subtile dont le "nom" France ne donnerait qu'un à peu près?). Ce matin, au réveil, la première pensée qui m'est venue c'est ce cauchemar, cette blessure, cette atteinte, presque aussi douloureuse qu'une souffrance physique. Mais soulager n'est pas amputer, la colère n'est pas ce qui guérit, cela semble apaiser mais redouble la douleur.
    Il m'a semblé qu'il y avait comme une collusion entre ceux qui prétendent que nous sommes tout d'abord des "homo économicus" rationnels dans leurs choix et leurs préférences et ces soldats sanguinaires d'une cause qui a donné un sens à leur vie, au massacre qu'ils ont perpétré et à leur mort. Nous ne sommes pas des "homini économici", non, nous sommes des êtres de sens et nous avons besoin de valeurs qui nous transcendent, et de pouvoir nous investir dans une oeuvre qui nous dépasse, de vivre "orientés" vers un Nord, qu'une boussole seule peut donner.
    Or c'est cette boussole que nos dirigeants négligent, ils croient que chacun peut se donner son Nord, et ce n'est peut-être pas faux, si du moins on a l'âme assez bien trempée pour trouver ce qui en soi fait sens.
    Je me rappellerai toujours ce que disait une Rwandaise tutsi, rescapée du génocide, à propos de l'école: "Ceux qui avaient été éduqués n'étaient pas meilleurs que les autres, ils étaient plus efficaces dans le massacre"... Tant que notre école se tournera seulement vers l'enseignement de "disciplines" en négligeant notre humanité, elle laissera sur le chemin des enfants perdus qui iront chercher du sens chez les violents.
    Ce ne sont que des intuitions, des hypothèses, des propositions. Mais je ne peux m'empêcher de songer qu'en Angleterre et en Chine, où j'ai vécu, le matin, avant que les cours ne commencent, il y a une assemblée générale de chaque école, de chaque lycée, on "hisse les couleurs", on chante tous ensemble des chansons "de scouts" dirait-on chez nous, on récite des textes qui rassemblent. Cela cimente une communauté, cela élève l'âme, cela donne "la pêche" et du sens. Vous me direz que les Nazis faisaient cela aussi. Oui, parce qu'ils avaient très bien compris que la plupart des hommes et des femmes sont fragiles et ont besoin de se sentir pris dans un ensemble pour rester debout. Celui-ci peut être républicain. Car tous les "ensemble", c'est bien sûr, ne se valent pas...
    Ce qui est sûr, c'est que nous sommes un grand corps, je le perçois à la douleur.

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